Dim 09 Juil 2023 13:19 par Cyrille
J'ai plusieurs réponses à apporter à cette question.
D'abord, sur le fond de l'expression formulée par Galeano, je suis foncièrement d'accord avec lui.
Prenant mon exemple (on est jamais si bien servi que par soi-même, et toute démarche philosophique commençant par les deux questions socratiques rapportées par Platon, "connais-toi toi même" et '"qu'est-ce que l'être en tant qu'être, s'interroger soi-même est un passage obligé), mes premiers souvenirs de "supporter" du Paris SG datent de mes années en école primaire, en 1974 dans la cour de récréation, commentant les lendemains de diffusion sur FR3 des quelques images accordées à un PSG alors à ses débuts. Ces discussions, ces débats parfois comiques (je me souviens d'un lointain échange sur l'arrivée de M'Pelé (annoncé en fin d'année scolaire à la radio) que nous avions confondu avec enthousiasme avec Pelé...) rythmaient nos retrouvailles au matin avant d'entrer dans l'école, et ornaient nos matchs pendant les récréations de prise de pseudonymes des joueurs du PSG (Lokoli, Justier, Laposte, Bauda, Renaut et Pilorget, étaient mes favoris ; doutant, à raison, de mon niveau, je n'ai jamais eu l'audace de revendiquer Dogliani ou Dahleb...).
Le PSG de l'époque ne jouait pas les premiers rôles, et tous dans la cour de récré (ou pour nous qui restions en étude le soir, et qui inventaient des jeux où il s'agissait de simuler des matchs en disposant des ronds sur un terrain à partir desquels nous tentions tour à tour de toucher le ballon en projetant nos crayons) nous avions lorsqu'il s'agissait de parler "champions" un club préféré (moi c'était Nantes plutôt que Saint-Etienne...). Le PSG c'était un peu la famille, l'héritage de notre environnement, l'inné et l'acquis dans le même mouvement, nous ne mettions pas sur le même plan les clubs qui dominaient le championnat et notre PSG familier.
Au fil des ans, grandissant tous deux, les victoires sont arrivées, les grands joueurs aussi (mais nous avions déjà été enchantés par nos Dogliani, Dahleb, Novi, Humberto, Bianchi, Alvès (malgré ses déboires), des dirigeants venus d'ailleurs se sont éloignés de notre sensibilité familiale initiale, mais je suis resté fidèle au PSG, même si je détestais toute la bande Canal +, surtout après qu'ils ont écarté Borelli, même si je déplorais les errements du club (mais comme on déplore les errements d'un membre de la famille sans pour autant lui refuser notre amour).
Sans doute le club est maintenant beaucoup plus "fort" que le club de milieu de tableau des années soixante-dix, mais, même si je me considère toujours supporter du PSG, je ne m'interdis pas d'exprimer mon ennui profond et mon dégoût de ce qu'est devenu le club (mais pour être honnête je peux appliquer cela à l'ensemble du football).
Galeano a raison, on ne peut changer de club de cœur, car celui-ci est attaché à notre enfance (en cela c'est différent d'un premier amour dont les évolutions au fil des ans éloigneront peut-être les amoureux l'un de l'autre, alors que les déboires, les erreurs, les fautes d'un club perturberont certes l'amour du supporter, provoqueront sa colère, mais ne changeront rien au fait que son club reste son club). C'est pourquoi je compare plus l'amour du supporter à l'amour familial, non choisi et en même temps construit, de l'amour adolescent ou conjgual, tous deux sujets aux aléas de la vie.
Sur le fait que l'EN considèrerait le sport comme trop intello, je ne pense pas que ce soit le cas, en l'occurrence c'est surtout que pour poser un sujet d'examen, il faut que celui-ci soit accessible à travers le contenu du programme annuel, et si l'esthétique générale est au programme de philo de terminale (donc les sujets "arts"), l'histoire du football n'y est pas inscrite. Le côté intello a peu d'importance, l'EN a prouvé malheureusement depuis de nombreuses années qu'elle était capable de mettre n'importe quelle imbécillité au programme, du moment qu'elle est du côté de la bien-pensance et du conformisme politique.
Enfin, je trouve même que cela n'est pas souhaitable. J'ai enseigné la philosophie en classes de terminale au début de ma vie professionnelle, et je persiste à dire que la philosophie n'a aurunce place à tenir en tant que matière à part entière dans les passages d'examens. Autant des outils philosophiques comme la logique, l'argumentation, le discernement intellectuel, la rhétorique, le recul historique et géographique, l'analyse discursive, la connaissance de soi et de ses déterminants naturels et culturels, ont toute leur place dans des disciplines d'enseignement comme les mathématiques, le français, l'histoire géographié, les sciences naturelles, autant les enseigner en tant que tels au sein d'un ensemble philosophique dés le lycée est une grossière erreur. %
Mais il ne s'agit là que de mes humbles avis. Merci pour cet intéressant post !