Destins extraordinaires

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Club d'Emile Footnostalgie

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Message non lu Mer 20 Jan 2016 18:43

Destins extraordinaires

Destins extraordinaires de ce sportif. Article vraiment intéressant

Alfred Nakache, le nageur d’Auschwitz


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Nakache et Jany aux Jeux de Londres.

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Le 4 août 1983 disparaissait Alfred Nakache, l’un des plus grands nageurs de l’histoire de la natation française, le plus exemplaire sans doute. En ces Jeux de Londres où les nageurs français collectionnent les honneurs, une pensée pour ce champion d’exception, qui participa aux Jeux olympiques de Londres en 1948, et reste connu comme « le nageur d’Auschwitz ».

Né à Constantine en 1915, dans une famille juive traditionaliste, Nakache s’était lancé dans la natation pour lutter contre une terrible aquaphobie naturelle. Il se révèle si doué dans les compétitions algériennes qu’il éclate bientôt en métropole et finit par s’installer dans la capitale en 1934 après des championnats de France particulièrement brillants. Il n’a que 18 ans.

Sélectionné aux Jeux olympiques de Berlin, il décide de s’y rendre en dépit des circonstances et se classe 4e avec le relais 4X200 m français, devant le quatuor allemand. Un pied de nez, même si Alfred refuse obstinément de penser à la politique à cette époque.

Particulièrement doué pour la brasse papillon, il a pour seul adversaire dans cette discipline un autre surdoué, Jacques Cartonnet. Une rivalité sportive qui va, dans les années noires, se muer en une inimitié aux conséquences terribles.

Dès 1940, Alfred Nakache et son épouse, éducatrice sportive comme lui, sont contraints de quitter Paris pour se rendre en zone libre. Installé à Toulouse, il continue de dominer la natation nationale sous les couleurs du TOEC et bat le record d’Europe du 200 m brasse établi par l’Allemand Jochen Balke aux Jeux de Berlin. Il s’empare enfin du record du monde de la discipline et devient un modèle, soutenu ardemment par le président de la Fédération française de natation d’alors, Georges Drigny. Sa popularité est telle qu’il reçoit même, lors d’une compétition à Toulouse, les félicitations du maréchal Pétain. Mais tout bascule en 1943, où le commissariat aux Sports interdit aux Juifs de s’aligner aux championnats de France. Ses camarades du TOEC boycottent l’épreuve en signe de soutien.

Mais Alfred Nakache, privé de compétition, n’est plus à l’abri des nazis, d’autant que la presse collaborationniste se déchaîne contre lui et qu’à Paris, son ennemi juré Jacques Cartonnet, est passé à la Milice. Ce dernier a-t-il joué un rôle dans sa dénonciation ? Difficile à affirmer. Reste qu’Alfred Nakache est arrêté avec sa femme et sa fille en novembre 1943 et transféré à Drancy. Ils sont aussitôt séparés parce qu’un officier a reconnu le nageur et l’a aiguillé vers un convoi où les déportés ne sont pas destinés à l’extermination. Paule et Annie seront gazées dès leur arrivée en Allemagne et Alfred n’apprendra leur disparition qu’au retour des camps.

Déporté à Auschwitz, il subit l’humiliation de ses geôliers et est contraint d’aller chercher, au fond d’un bassin de rétention, des objets qu’ils y jettent. Il se venge en organisant des séances de baignade avec ses camarades.

Déplacé à Buchenwald lors de la marche de la mort, il survit grâce à sa solide constitution et le fol espoir de revoir sa famille. Il est libéré an avril 1945. Quatre mois plus tard, réfugié chez son ami Alex Jany à Toulouse, il retrouve son titre de champion de France et a la surprise de découvrir que le bassin du TOEC a été baptisé de son nom, parce qu'on le croyait mort.

Puis aux Jeux de Londres, ceux des survivants, il représente à nouveau la France au 200 m brasse et en water-polo.

Discret, passionné de la vie, il passa le reste de son existence à enseigner son sport et ne cessa de pratiquer cette natation qui lui avait tout donné. Retraité, il allait tous les jours nager en mer au large de Cerbère jusqu’à ce 4 août 1983 où, âgé de 1977, il n’atteignit pas l’autre rive, victime d’une crise cardiaque.

Sur sa tombe, il fit ajouter les noms de Paule, sa première épouse, et d’Annie, leur fille, toutes les deux gazées à Auschwitz.


Un autre article aussi poignant que celui ci-dessus :

En 1943, le Toulousain le plus populaire du monde s'appelait Alfred Nakache. Ce champion de natation, oncle de l'ancienne députée Yvette Benayoun-Nakache, avait pulvérisé deux ans plus tôt le record du monde du 200 m brasse papillon. Quintuple champion de France, il avait participé en 1936 aux Jeux Olympiques de Munich mais n'avait rien gagné, sinon l'image, dans la fantasmagorie nazie, de «nageur juif».

À Toulouse, où il exerce le métier de professeur d'éducation physique dans sa salle de sport de la rue Philippe-Féral, il est dénoncé et arrêté en décembre 1943 avec sa femme Paule, une basketteuse de 28 ans, et leur fille Annie, âgée de deux ans. Déportés, ils arrivent à Auschwitz par le sinistre convoi 66 dans la nuit du 22 au 23 janvier 1944. Alfred Nakache est séparé de sa femme et de sa fille ; il ne les reverra jamais.

Au camp, «Artem», comme on le surnomme, est affecté à l'infirmerie comme kiné. Il est placé avec d'autres sportifs de haut niveau que les Allemands utilisent comme faire-valoir. Pour se distraire, les nazis l'obligent à nager dans les bassins de rétention d'eau du camp. L'eau est glaciale et saumâtre. Mais Alfred, amaigri, affaibli, nage, multiplie les longueurs, comme un poing brandi à la face de ses bourreaux. Ludion des officiers des camps, il plonge pour récupérer les objets que lui lancent les gardes SS. Le matricule 172763 s'accroche aussi au mince espoir de retrouver sa femme et sa fille vivantes. Il en parle notamment avec l'écrivain Primo Lévi, interné en même temps que lui. À Auschwitz, Alfred Nakache survit jusqu'à la libération du camp, le 27 janvier 1945. «Il était d'une constitution très robuste» se souvient sa nièce, Yvette Benayoun-Nakache. Il survit même à la «Marche de la mort», ce convoi de prisonniers qui partit à pied à la veille de l'arrivée des troupes soviétiques.

Revenu au printemps à Toulouse où on le croyait mort (hommage lui avait même été rendu en baptisant la piscine de son nom), Nakache est un homme brisé. C'est l'ancien président du TFC, Marcel Delsol, alors médecin à la Croix Rouge, qui le porte sur ses épaules à la sortie du train. Dévasté par la mort de sa femme et de sa fille (lire par ailleurs), il reste prostré plusieurs jours. Mais cet extraordinaire combattant revient au premier plan de la natation : à nouveau champion de France, il participe au record du monde du 3X100 mètres 3 nages puis aux JO de 1948. «Il était toujours de bonne humeur, raconte sa nièce. Parfois, pendant les repas de famille, on sentait qu'il était triste. Il s'isolait alors quelques instants avant de revenir. Et ça repartait…» Il refait sa vie, épouse Marie et part vivre à Sète, où il est inhumé. «Tous les ans il nous invitait dans sa petite maison de pêcheur, face à la mer, raconte Yvette. Il était très joyeux. Il allait dans le cagibi, sortait toutes ses médailles et nous les distribuait.» Alfred Nakache n'est pas mort dans un bassin d'eau croupie à Auschwitz mais dans le port de Cerbère, où il avait l'habitude de nager, d'une crise cardiaque. C'était en 1983, il avait 67 ans.
Le doudou d'Annie retrouvé

En 1997, Yvette Benayoun-Nakache retrouve fortuitement le doudou d'Annie, la fille d'Alfred Nakache. Ce petit chien en peluche avait été conservé pendant plus de cinquante ans par Simone Foulon, une assistante maternelle. Derrière son oreille est accroché un petit mot rédigé par Mme Foulon : «J'étais le compagnon d'Annie Nakache, enterrée vivante par les Allemands, sa maman brûlée à Dachau». De retour de captivité, Alfred Nakache se rendait tous les jours à la gare Matabiau, dans l'espoir de les retrouver. Un jour il reçut une lettre l'informant que sa femme et sa fille avaient été exterminées. «Je ne l'ai jamais entendu dire Dieu n'existe pas mais il a dû se poser la question» confie sa nièce Yvette.
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Michel Platini du forum

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Message non lu Mer 20 Jan 2016 21:29

Re: Destins extraordinaires

je ne connaissais pas cet homme et son histoire !
magnifique ....
une bien triste époque ....

Il a retrouvé sa femme et sa fille ...

RIP
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Polska King

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Message non lu Jeu 21 Jan 2016 9:24

Re: Destins extraordinaires

je connaissais cette histoire mais la relire est toujours aussi saisissant
merci
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El Magico

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Message non lu Jeu 21 Jan 2016 10:09

Re: Destins extraordinaires

Je crois que Pascal avait mis un lien sur ce forum, je connaissais l'histoire. Toujours terrible à relire...
Faudra encore des sandwiches à la purée d'anchois. Y partent bien ceux là. (Robert Dalban dans "les tontons flingueurs")

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