Feuilleton footnos: le Mondial imaginaire
Posté: Mar 16 Juin 2009 17:09
Le commentateur dAntenne 2, perché depuis la tribune de presse du stade Olympique de Montréal, ne sy trompe pas : « jespère que vous possédez des récepteurs couleur pour mieux apprécier ce spectacle grandiose ». Telstar et la démocratisation des tubes cathodiques vert-bleu-rouge (on est loin, en France, des 1500 postes couleur du 1er octobre 1967 !) ont poussé les organisateurs de la cérémonie douverture de cette Coupe du Monde à appuyer sur le flashy, quitte à repasser la pelouse au Ripolin. Lan 1930, le Conteverde et lentrefilet dans « LÉquipe » signalant la victoire finale de lUruguay sont si loin... Désormais, les fuseaux horaires ont valsé (il est 17 heures à Montréal, 23 heures à Paris et 6 heures du matin à Pékin), les distances se sont écourtées et le foot rend folles les foules. De joie souvent. Toute la planète écoute le discours dinauguration du Mondial prononcé par le Premier ministre canadien. Enfin, toute la planète... huit-cent millions doreilles distraites, plutôt, qui attendent quapparaisse enfin le ballon, succédant au ballet des vingt délégations représentant les qualifiés.
Fiers comme Artaban, les qualifiés, et ils ont des raisons de lêtre. Cent-dix-sept pays engagés après les différents forfaits, cela fait seulement un sixième de survivants après écrémage. Vingt participants, cest une évolution instaurée par la FIFA sous la pression des confédérations des « tiers-continents » (Asie, Afrique, Concacaf) fâchés dêtre sous-représentés. Sous la pression de lorganisateur, également.
João Havelange sentait le besoin denvoyer le Mondial vers une terre de football à défricher. LAfrique ? Le Maroc ou lÉgypte, seuls volontaires, ne présentaient pas des garanties financières suffisantes. LAsie ? La Chine ou lIran étaient politiquement aléatoires, le Japon trop impliqué dans son propre boom économique. Les États-Unis étaient parfaits économiquement parlant mais léchec de la NASL refroidit les bonnes volontés. De plus, le manque de culture « soccer » laissait craindre léchec populaire. Idem pour lAustralie, qui nétait pas intéressée de toute manière. Seul le Canada, encouragé par le succès des JO de Montréal et lamour inconditionnel que porte sa population bigarrée au sport en général, leva un doigt timide que la FIFA saisit à pleines mains. Il tira dessus de toute sa force de persuasion et obtint un Mondial clefs en mains, au budget vite bouclé, sous la double bénédiction de la Reine (le Canada est encore, officiellement, sous protectorat britannique) et des États-Unis (très intéressés au cas où, pour un proche avenir, et qui fourniront un précieux soutien logistique), le tout dans huit stades ultra-modernes dont le seul défaut est davoir été conçus, le plus souvent, pour recevoir du foot ... américain (Edmonton, Winnipeg, Toronto, Hamilton, Ottawa, Regina, Vancouver) hormis le magnifique stade Olympique de Montréal, où se déroulera également la finale.
En échange de sa condition de pays-hôte, le Canada obtint quelques aménagements. Un statut de tête de série très usurpé (les deux-tiers de ses internationaux sont amateurs ou universitaires), le démarrage de la compétition à la mi-juin afin de coïncider avec le retour des beaux jours, une multiplication des sponsors autour du terrain et des enceintes (il na pas obtenu gain de cause concernant les pauses pub au milieu de chaque période) et un contingent déquipes élargi (vingt au lieu de seize) pour une formule modifiée : quatre groupes de cinq délivrant deux qualifiés, quarts de finale, demis-finale et finale avec prolongations et éventuels tirs aux buts.
Si tout le monde a applaudi le recours à lélimination directe, retour aux sources du spectacle (ah, Italie-RFA en 70...), les dents ont grincé. Des groupes de cinq ? Garantie de démotivation pour les équipes vite éliminées. Quatre matches à disputer pour chaque équipe au cours des deux premières semaines du premier tour ? Quen sera-t-il de la récupération dans un pays si vaste, coupé en six fuseaux horaires (3 heures de décalage et 3700 kms entre Vancouver et Montréal) ? Quant au succès populaire, malgré la capacité des Nord-américains à vendre tout et nimporte quoi, il nest pas garanti une fois que le Canada ne sera plus en course. Sans parler dune éventuelle hostilité envers les Soviétiques ou les Chinois.
Car - revenons au terrain - Chine et URSS font partie des heureux, au même titre que lorganisateur canadien et tous les favoris attendus. LAmérique du Sud sera ainsi représentée par le Brésil et lArgentine, accompagnées de lUruguay et de la Colombie (Chili, Pérou au tapis) ; la Chine et son milliard de Chinois porteront le drapeau de lAsie footballistique tandis que le Maroc et le Nigeria (après avoir éliminé la Nouvelle-Zélande en barrages) défendront lhonneur de lAfrique, pour la première fois représentée par deux pays. Enfin, le Mexique sest qualifié au nom des Amériques centrale et du Nord et rejoint le Canada, également issu de cette zone. Cependant, cest bien sûr lEurope qui fournit la plus importante proportion de concurrents, onze sur vingt, preuve que le nombril du foot se situe encore sur le Vieux Continent, même si le nombril du Monde sen déplace à grande vitesse.
RFA, Angleterre, Italie, Espagne, Belgique, URSS, Pologne, Yougoslavie, Suède et Portugal sont du voyage. Un plateau de choix même si on y déplore labsence des puissants Néerlandais (en déclin), des combatifs Écossais (barrés par la Yougoslavie), des réguliers Bulgares (surpris par le Portugal), des romantiques Roumains (sortis par la Belgique), des Suisses, des Autrichiens, des Hongrois. Mais cette liste, me direz-vous, ne compte que dix nations ! Bien sûr, le dernier strapontin est pour nos petits Coqs, Tricolores renaissants qui, dans un groupe éliminatoire piégeux (Tchécoslovaquie, RDA, Finlande) ont su remonter le handicap initial dune défaite à Leipzig en battant deux fois la Finlande, en prenant trois points à la Tchécoslovaquie (dont un superbe 3-1 à Prague) avant de finir en apothéose au Parc par une victoire 2-0 sur lAllemagne de lEst.
Un mois après cette victoire, à Ottawa, au cours du tirage au sort des phases de poule, aucune des vingt nations présentes ne songeait à bouder son plaisir dêtre là. Ni fuseau horaire ni problème de récup nentrait en compte ... et les petites boules colorées choisies par le poète Gilles Vigneault et lactrice Mary Pickford accouchaient des groupes suivants :
A (Montréal, Hamilton) : Canada - Angleterre - Yougoslavie - Uruguay - Maroc
B (Toronto, Ottawa) : Brésil - URSS - Pologne - Suède - Mexique
C (Edmonton, Winnipeg) : RFA - Espagne - France - Colombie - Nigeria
D (Vancouver, Regina) : Italie - Argentine - Portugal - Belgique - Chine.
Une fois le verdict tombé, sept mois dattente fébrile jusquau premier coup denvoi, ce 16 juin à Montréal. Le Canada entame la compétition face à la fantasque Yougoslavie. Un mois plus tard, un capitaine montera à la tribune du même stade Olympique pour y recevoir le trophée tant attendu. Un mois en ballon.
A suivre
Fiers comme Artaban, les qualifiés, et ils ont des raisons de lêtre. Cent-dix-sept pays engagés après les différents forfaits, cela fait seulement un sixième de survivants après écrémage. Vingt participants, cest une évolution instaurée par la FIFA sous la pression des confédérations des « tiers-continents » (Asie, Afrique, Concacaf) fâchés dêtre sous-représentés. Sous la pression de lorganisateur, également.
João Havelange sentait le besoin denvoyer le Mondial vers une terre de football à défricher. LAfrique ? Le Maroc ou lÉgypte, seuls volontaires, ne présentaient pas des garanties financières suffisantes. LAsie ? La Chine ou lIran étaient politiquement aléatoires, le Japon trop impliqué dans son propre boom économique. Les États-Unis étaient parfaits économiquement parlant mais léchec de la NASL refroidit les bonnes volontés. De plus, le manque de culture « soccer » laissait craindre léchec populaire. Idem pour lAustralie, qui nétait pas intéressée de toute manière. Seul le Canada, encouragé par le succès des JO de Montréal et lamour inconditionnel que porte sa population bigarrée au sport en général, leva un doigt timide que la FIFA saisit à pleines mains. Il tira dessus de toute sa force de persuasion et obtint un Mondial clefs en mains, au budget vite bouclé, sous la double bénédiction de la Reine (le Canada est encore, officiellement, sous protectorat britannique) et des États-Unis (très intéressés au cas où, pour un proche avenir, et qui fourniront un précieux soutien logistique), le tout dans huit stades ultra-modernes dont le seul défaut est davoir été conçus, le plus souvent, pour recevoir du foot ... américain (Edmonton, Winnipeg, Toronto, Hamilton, Ottawa, Regina, Vancouver) hormis le magnifique stade Olympique de Montréal, où se déroulera également la finale.
En échange de sa condition de pays-hôte, le Canada obtint quelques aménagements. Un statut de tête de série très usurpé (les deux-tiers de ses internationaux sont amateurs ou universitaires), le démarrage de la compétition à la mi-juin afin de coïncider avec le retour des beaux jours, une multiplication des sponsors autour du terrain et des enceintes (il na pas obtenu gain de cause concernant les pauses pub au milieu de chaque période) et un contingent déquipes élargi (vingt au lieu de seize) pour une formule modifiée : quatre groupes de cinq délivrant deux qualifiés, quarts de finale, demis-finale et finale avec prolongations et éventuels tirs aux buts.
Si tout le monde a applaudi le recours à lélimination directe, retour aux sources du spectacle (ah, Italie-RFA en 70...), les dents ont grincé. Des groupes de cinq ? Garantie de démotivation pour les équipes vite éliminées. Quatre matches à disputer pour chaque équipe au cours des deux premières semaines du premier tour ? Quen sera-t-il de la récupération dans un pays si vaste, coupé en six fuseaux horaires (3 heures de décalage et 3700 kms entre Vancouver et Montréal) ? Quant au succès populaire, malgré la capacité des Nord-américains à vendre tout et nimporte quoi, il nest pas garanti une fois que le Canada ne sera plus en course. Sans parler dune éventuelle hostilité envers les Soviétiques ou les Chinois.
Car - revenons au terrain - Chine et URSS font partie des heureux, au même titre que lorganisateur canadien et tous les favoris attendus. LAmérique du Sud sera ainsi représentée par le Brésil et lArgentine, accompagnées de lUruguay et de la Colombie (Chili, Pérou au tapis) ; la Chine et son milliard de Chinois porteront le drapeau de lAsie footballistique tandis que le Maroc et le Nigeria (après avoir éliminé la Nouvelle-Zélande en barrages) défendront lhonneur de lAfrique, pour la première fois représentée par deux pays. Enfin, le Mexique sest qualifié au nom des Amériques centrale et du Nord et rejoint le Canada, également issu de cette zone. Cependant, cest bien sûr lEurope qui fournit la plus importante proportion de concurrents, onze sur vingt, preuve que le nombril du foot se situe encore sur le Vieux Continent, même si le nombril du Monde sen déplace à grande vitesse.
RFA, Angleterre, Italie, Espagne, Belgique, URSS, Pologne, Yougoslavie, Suède et Portugal sont du voyage. Un plateau de choix même si on y déplore labsence des puissants Néerlandais (en déclin), des combatifs Écossais (barrés par la Yougoslavie), des réguliers Bulgares (surpris par le Portugal), des romantiques Roumains (sortis par la Belgique), des Suisses, des Autrichiens, des Hongrois. Mais cette liste, me direz-vous, ne compte que dix nations ! Bien sûr, le dernier strapontin est pour nos petits Coqs, Tricolores renaissants qui, dans un groupe éliminatoire piégeux (Tchécoslovaquie, RDA, Finlande) ont su remonter le handicap initial dune défaite à Leipzig en battant deux fois la Finlande, en prenant trois points à la Tchécoslovaquie (dont un superbe 3-1 à Prague) avant de finir en apothéose au Parc par une victoire 2-0 sur lAllemagne de lEst.
Un mois après cette victoire, à Ottawa, au cours du tirage au sort des phases de poule, aucune des vingt nations présentes ne songeait à bouder son plaisir dêtre là. Ni fuseau horaire ni problème de récup nentrait en compte ... et les petites boules colorées choisies par le poète Gilles Vigneault et lactrice Mary Pickford accouchaient des groupes suivants :
A (Montréal, Hamilton) : Canada - Angleterre - Yougoslavie - Uruguay - Maroc
B (Toronto, Ottawa) : Brésil - URSS - Pologne - Suède - Mexique
C (Edmonton, Winnipeg) : RFA - Espagne - France - Colombie - Nigeria
D (Vancouver, Regina) : Italie - Argentine - Portugal - Belgique - Chine.
Une fois le verdict tombé, sept mois dattente fébrile jusquau premier coup denvoi, ce 16 juin à Montréal. Le Canada entame la compétition face à la fantasque Yougoslavie. Un mois plus tard, un capitaine montera à la tribune du même stade Olympique pour y recevoir le trophée tant attendu. Un mois en ballon.
A suivre